La fraude à la TVA prive l’Etat de 25 milliards d’euros de recettes
À l’heure où le gouvernement prépare son projet de loi de finances 2023, refuse de taxer les superprofits et s’apprête à tailler dans les droits sociaux (retraites, assurance chômage) tout en continuant de supprimer des emplois dans l’administration fiscale chargée du contrôle fiscal, le travail de l’Insee montre que le renforcement de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale demeure plus que jamais une urgence absolue.
Les chiffres sont implacables : selon l’INSEE, si l’évaluation des pertes de recettes fiscales en matière de TVA (comme d’autres impôts) est difficile à réaliser, « les différentes estimations obtenues à partir des données de contrôle relatives à l’exercice comptable de 2012 semblent assez peu dépendantes des variations méthodologiques adoptées et sont toutes comprises entre 20 et 25 milliards d’euros [1]. ».
Pour parvenir à cette estimation, l’institut a utilisé plusieurs méthodes qu’elle précise dans son document pour travailler les résultats du contrôle fiscal, mené par la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Il a donc choisi d’utiliser ce que l’on appelle une « méthode directe », c’est-à-dire une méthode fondée sur les données observées, en l’occurrence les résultats du contrôle fiscal. On rappellera qu’il existe également une « méthode indirecte », fondée pour sa part sur l’exploitation de données macro-économiques.
L’année concernée est 2012. La question se pose de savoir si la fraude a augmenté ou pas depuis. Certes, en dix ans, des mesures juridiques nouvelles ont été prises et d’autres se mettent en place, au niveau de l’Union européenne notamment. On peut donc penser que certaines formes de fraude se sont affaiblies. Au moins deux autres éléments montrent une tendance inverse. Tout d’abord, les effectifs du contrôle fiscal ont nettement baissé, ce qui ne peut que favoriser la fraude. Mais surtout, en 2012, le secteur très fraudogène du commerce en ligne était assez peu développé et a explosé depuis. Son chiffre d’affaires réalisé en France s’élevait ainsi à 45 milliards d’euros en 2012, contre plus de 129 milliards en 2021.
Or, ainsi qu’Attac l’a montré, sur la base de travaux de l’Inspection générale des finances, la fraude à la TVA sur les places de marché des acteurs du e-commerce est massive : elle atteindrait 4 à 5 milliards d’euros dans la période récente [2].
La fraude à la TVA représente une part conséquente des 80 milliards d’euros, voire 100 milliards, qui comprennent l’ensemble des pratiques relevant du non-respect du droit fiscal (tous impôts et prélèvements fiscaux confondus), autrement dit de la fraude fiscale. Car au-delà de la TVA, la fraude fiscale concerne tous les autres impôts. Elle s’est notamment renforcée et sophistiquée en matière d’impôt sur les sociétés avec la manipulation des prix de transfert.
Ainsi que notre rapport de mars 2022 le précisait : « La réalité de l’évolution de la fraude fiscale et du contrôle fiscal est donc bien souvent à l’opposé des discours officiels et des tentatives de manipulation de celles et ceux qui la minimisent et préfèrent évoquer la fraude aux prestations sociales. De fait, la fraude fiscale reste systémique et coûte toujours un « pognon de dingue [3] ».
Intensification de la coopération internationale, cadastre financier, taxation unitaire, meilleur accès à l’information, révision des « niches fiscales » et des régimes dérogatoires, véritable liste noire des paradis fiscaux assortis de mécanismes anti-abus dissuasifs, hausse des effectifs des services engagés dans la lutte contre la fraude fiscale, véritable statut des lanceurs d’alerte, etc : nos propositions visant à réformer le système fiscal et à renforcer l’ensemble des moyens juridiques, humains et matériel contre l’évitement de l’impôt n’en sont que plus légitimes et urgentes à mettre en œuvre.