Quel est l’impact économique de l’immigration sur l’économie des pays d’accueil ?

, par Attac Paris 19-20

Ce document a été établi par Pascale afin de servir d’introduction a un débat sur le sujet de l’immigration lors de la réunion du Comité local du 21 janvier 2021.

Les sources des informations citées dans le texte n’ont pu être reproduites.

« Les économistes s’accordent sur des tendances générales (de l’immigration) globalement favorables aux pays hôtes. »
Magazine Capital, juillet 2018

  • 1. Quelques éléments généraux
  • 2. Un sujet instrumentalisé à coup de préjugés et de fausses « informations »
  • 2.1. « Les immigrés sont pauvres et non qualifiés »
  • 2.2. « La France est envahie »
  • 2.3. Un problème de méthodologie
  • 3. Les chiffres
  • 3.1. Impact sur le PIB et la croissance
  • 3.2. Impact sur l’emploi
  • 3.3. Impact sur les finances publiques
  • 3.3.1. En termes de fiscalité
  • 3.3.2. En termes d’aides et cotisations sociales
  • 3.3.3. En termes d’aides de logement
  • 3.3.4. En termes de protection santé
  • 3.4. Impact sur le pays d’origine
  • 3.4.1. Les transferts de fonds représentent un fort soutien aux économies des pays d’émigration…
  • 3.4.2. Mais l’émigration « siphonne » leurs jeunes diplômés
  • 4. En résumé
  • 5. Autres sources

1. Quelques éléments généraux

Selon la définition des Nation Unies, un migrant est quelqu’un qui vit ailleurs que dans son pays de naissance pour au moins 3 mois et pour une autre raison que les loisirs, la famille, le tourisme, ou la santé.

Il y avait en 2009 220 M personnes migrantes dans le monde soit 3,5% de la population.

  • 1re raison des migration : l’insécurité (en 2009 : 26 millions de déplacés dont 11 de réfugiés à l’étranger - en 2018 : un record 70,8 millions de déplacés dont 25,9 millions de personnes réfugiées dans d’autres pays )
  • 2e raison : la pauvreté et la précarité

Les zones de plus forte migration : taux de la population née à l’étranger

  • Golfe 35%
  • Amérique du Nord 13,5% dont Californie 27% (serait le 4e pays de migration si était un pays) et Canada 20%
  • Europe 7%
  • 55M d’européens sont partis entre 1820 et 1930 vers les Amériques et les pays colonisés, l’Europe n’est terre d’immigration que depuis 1945 .

2. Un sujet instrumentalisé à coup de préjugés et de fausses « informations »

2.1. « Les immigrés sont pauvres et non qualifiés »

D’après l’Insee, en 2018, plus d’un immigré sur quatre (27%) en âge de travailler en France était ainsi titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur – soit un taux supérieur aux non-immigrés. Un tiers d’entre eux estimaient même qu’ils étaient trop qualifiés pour leur premier emploi dans l’Hexagone, relève National Geographic.

« Ce ne sont pas les populations des pays les plus pauvres, ceux où l’on gagne en moyenne moins de 1.005 dollars par an et par personne, qui migrent le plus », explique François Héran, démographe et professeur au Collège de France, dans une interview au journal du CNRS. Et pour cause, selon lui : pour migrer, il faut un minimum de moyens.

2.2. « La France est envahie »

Avec environ 250.000 premiers titres de séjour délivrés en 2018, la France accueille en réalité moins d’immigrés extra-européens aujourd’hui que dans les années 1970. De même, la population immigrée prise dans son ensemble a augmenté depuis une quarantaine d’années, sans pour autant exploser : elle représente aujourd’hui 9,3% de la population française, contre 7,4% en 1975.

En moyenne sur la période 1985-2015, les pays situés aux frontières extérieures de l’espace Schengen (Italie, Espagne ou Grèce) ont enregistré relativement peu de demandes d’asile. Les pays qui en ont enregistré le plus sont l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, la Suède et les Pays-Bas. Et lorsqu’on rapporte les flux à la population, les cinq pays qui ont enregistré le plus de demandes d’asile sont la Suède, l’Autriche, la Norvège, la Belgique et l’Allemagne (en moyenne sur la même période).

Selon l’Insee en 2008 un tiers des immigrés en France provenaient de pays de l’UE (38 % d’Europe), 42,5 % des immigrés sont originaires d’Afrique et du Maghreb, 14,2 % d’Asie et 5,3 % d’Amérique ou d’Océanie.

La France se distingue pour une chose : le poids relatif de ses enfants d’immigrés, qui sont donc français de naissance. Selon l’Insee, en 2008, les descendants directs d’un ou de deux immigrés représentaient 6,5 millions de personnes, soit 11 % de la population. Trois millions d’entre eux avaient leurs deux parents immigrés.

2.3. Un problème de méthodologie

Les chiffres sont souvent non concordants vu les multiples manières de prendre en compte tel ou tel indicateur.
En outre certaines études font état d’impacts négatifs beaucoup plus importants de l’immigration sur les finances publiques, car elles considèrent de manière erronée les enfants d’immigrés jusqu’à 16 ans comme immigrés et les rattachent après 16 ans à la population native, alors que ces enfants sont Français dès leur naissance car nés en France.A l’inverse d’autres études croisent plus finement les données.

Hippolyte d’Albis : « La principale difficulté méthodologique, en économie de la migration, repose sur l’identification des causalités. Si vous faites une simple corrélation entre des variables économiques et migratoires, vous allez souvent trouver une corrélation positive : il y a plus de migrants là où il y a plus de richesse. Cependant, la causalité peut aller dans les deux sens, les migrants peuvent accroître la richesse du pays d’accueil, mais peuvent aussi être « attirés » par cette richesse. L’analyse de la corrélation ne nous apprend pas grand-chose et c’est pour cela que nous devons faire appel à des méthodes statistiques avancées, afin d’évaluer les effets des flux migratoires sur les variables macroéconomiques. Il y a aussi des approches purement comptables, où l’on mesure uniquement la différence entre les impôts payés par les migrants et les prestations qu’ils reçoivent des administrations publiques. C’est cependant oublier toutes les interactions qui peuvent exister entre les variables et les acteurs économiques. Ces approches dépendent par ailleurs très fortement de la qualité des enquêtes utilisées. Notre méthode laisse beaucoup plus parler les données et prend en compte les interactions entre les variables. C’est une approche reconnue en macroéconomie, pour identifier l’effet causal d’une politique budgétaire par exemple. Dans notre article, nous utilisons cette approche pour mettre en évidence que l’effet causal des flux migratoires en Europe est plutôt positif. »

3. Les chiffres

Les migrations ont accru le PIB par personne, abaissé le taux de chômage et amélioré les finances publiques en moyenne dans 19 pays de l’OCDE, dont la France, étudiés entre 1980 et 2015 (donc y compris après la crise de 2007-2008)
Les Décodeurs du Monde : « la contribution nette globale de l’immigration au budget de l’Etat [reste] positive » année après année. En effet, les immigrés perçoivent davantage que les natifs en matière de prestations sociales (APL, RSA, allocations...), mais bien moins en matière d’assurances maladie et vieillesse. Basée sur l’année 2010, l’enquête estimait ainsi à 68,4 milliards d’euros les prestations versées aux immigrés, et à 72 milliards leurs cotisations – soit un apport net de plus de 3 milliards d’euros.

Dans Courrier international citant une étude d’une équipe de chercheurs de l’université de Lille, sous la direction du Pr Xavier Chojnicki pour le compte du ministère des Affaires sociales (publiée en 2009), l’apport net pour les finances publiques est de 12,4 MM € (ils reçoivent de l’État 47,9 milliards d’euros, mais ils reversent 60,3 milliards).

L’immigration coûte au budget de l’État 47,9 MM€ (2009) :

  • retraites, 16,3 milliards d’euros ;
  • aides au logement, 2,5 milliards ;
  • RMI, 1,7 milliard ;
  • allocations chômage, 5 milliards ;
  • allocations familiales, 6,7 milliards ;
  • prestations de santé, 11,5 milliards ;
  • éducation, environ 4,2 milliards.

De leur côté, les immigrés reversent au budget de l’Etat, par leur travail, des sommes beaucoup plus importantes :

  • impôt sur le revenu, 3,4 milliards d’euros ;
  • impôt sur le patrimoine, 3,3 milliards ;
  • impôts et taxes à la consommation, 18,4 milliards ;
  • impôts locaux et autres, 2,6 milliards ;
  • contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et contribution sociale généralisée (CSG), 6,2 milliards ;
  • cotisations sociales, environ 26,4 milliards d’euros.

3.1. Impact sur le PIB et la croissance

D’après les économistes du McKinsey Global Institute, les immigrants ont contribué pour près de 10% du PIB mondial en 2015, alors qu’ils ne représentaient que 3,4% de la population internationale.

Dans une étude publiée mi-juin 2018, des chercheurs du CNRS ont eux aussi conclu, à propos du cas spécifique des demandeurs d’asile et sur la base de données issues de 15 pays européens, qu’un afflux de migrants entraînait une hausse du PIB par habitant, évaluée à 0,32% sur deux ans.

Selon un rapport de l’OCDE, si l’impact fiscal est, dans la plupart des pays, nul ou positif, il serait en revanche négatif de 0,3 point de PIB pour la France, notamment du fait du moindre accès des immigrés aux emplois bien payés ou du coût des reconduites à la frontière.

"Souvent, les migrants qui arrivent n’ont rien, ils ont besoin de tout", souligne Emmanuelle Auriol. "Leur donner de l’argent revient donc à faire une sorte de plan de relance keynésien".

A moyen et long terme, les immigrés sont aussi plus enclins à se lancer dans les affaires. Selon une étude de la National Venture Capital Association, sur 10.000 immigrés aux Etats-Unis, 62 créent une entreprise, un taux deux fois plus important que pour les natifs.

3.2. Impact sur l’emploi

Étrangers en situation régulière, c’est-à-dire qui disposent d’une carte de séjour : « ils ne prennent pas le travail des Français : ils font le travail que les Français ne veulent pas faire, des métiers durs, aux horaires décalés et à la rémunération faible », explique Pierre Henry, directeur général de l’association France Terre d’asile, à Brut. Soit les métiers dits « 3D » : dirty, difficult, dangerous (« sale, pénible, dangereux » en français), souligne La Vie, qui rappelle que « même en temps de crise, les nationaux ne prennent pas ces emplois-là ».

Plus de la moitié des médecins hospitaliers dans les banlieues sont étrangers ou d’origine étrangère. 42 % des travailleurs des entreprises de nettoyage sont des immigrés. Plus de 60 % des ateliers de mécanique automobile de Paris et de la région parisienne appartiennent à des mécaniciens et petits entrepreneurs d’origine étrangère. 90 % des autoroutes ont été et sont construites et entretenues avec de la main-d’œuvre étrangère .

Pour Emmanuelle Auriol, de la Toulouse School of Economics, il est "faux" de dire que l’accueil des immigrés "rajoute du chômage". "Les migrants occupent des emplois souvent non pourvus, que ce soit dans la construction, la restauration ou les services à la personne’’

Demandeurs d’asile : ils n’ont pas le droit de travail, sauf s’ils disposent d’une « autorisation provisoire ». Celle-ci, délivrée au bout d’un an sur certains critères, peut être refusée par le préfet en cas de niveau de chômage trop important – ce qui est souvent le cas.

Un tiers des immigrés en France sont des étudiants, dont la plupart retournent ensuite dans leur pays d’origine.
Tous, en situation régulière ou non, participent de la stimulation de la consommation

Mais …

  • L’immigration peut avoir un impact à court terme sur le taux de chômage, dans certaines régions et sur certains segments de population. En 2012, le Migration Advisory Committee (MAC), organisme parapublic du Royaume-Uni, avait ainsi évalué à 160.000 le nombre de Britanniques n’ayant pas trouvé d’emploi dans les cinq années précédentes du fait de la concurrence générée par l’immigration.
  • Dans une étude publiée le 20 juin, l’OCDE a estimé que le nombre de chômeurs pourrait "augmenter d’environ 6%" d’ici à décembre 2020 en Allemagne, en l’absence de mesures favorisant "l’accès à l’emploi des réfugiés".

Un effet négatif toutefois considéré comme temporaire par nombre d’économistes. "En moyenne, et à long terme, les études convergent pour dire que l’immigration n’a pas d’effet négatif sur l’emploi", insiste Anthony Edo, chercheur au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii).

En outre les immigrés apportent également de la diversité professionnelle, le plus souvent aux frais des pays d’origine. (ex. dans la restauration)

3.3. Impact sur les finances publiques

3.3.1. En termes de fiscalité

Les résidents étrangers sont consommateurs, cotisants et contribuables (TVA et autres impôts)

  • Impôt sur le revenu : en 2011, on estimait à 200 000 les étrangers en situation irrégulière et bénéficiant de fiches de paie qui avaient reçu une déclaration préremplie à leur nom . André Daguin, président de l’Union des métiers de l’hôtellerie, estimait en 2008 que 100 000 travailleurs étaient employés, déclarés et payaient des impôts en France, tous secteurs confondus.
  • Les étrangers, qu’ils soient en situation régulière ou non, consomment et donc payent de la TVA.

3.3.2. En termes d’aides et cotisations sociales

  • les clandestins n’ont droit à aucun minima social
  • les demandeurs d’asile bénéficient d’une allocation spécifique (ADA) de 207 euros par mois durant tout l’examen de leur dossier.
  • Les étrangers réguliers peuvent toucher sous conditions le RSA (plus de 25 ans et travaille en France depuis cinq ans) et l’ASPA (plus de 65 ans et réside en France depuis dix ans).
  • les Français peuvent toucher le RSA (551 euros par mois), l’allocation adulte handicapé (AAH, 860 euros) ou encore l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA, 868 euros).
  • en matière d’allocations familiales, les demandeurs d’asile ont droit à 100 euros par mois de plus par personne supplémentaire dans le foyer, tandis que les 4,8 millions de foyers français ont touché en moyenne 207 euros mensuels en 2017.

Une étude universitaire de 2005 montre que la contribution des immigrés au financement de la protection sociale est positif pour la France.

L’apport net des cotisations sociales encaissées (cotisations versées – prestations reçues) est de 1 500€ pour la population active française, contre 2 250€ pour la population active immigrée. Si les immigrés ont statistiquement des parcours professionnels plus irréguliers et qu’ils sont plus régulièrement allocataires de prestation chômage, ils consomment beaucoup moins de soins médicaux, de prestations familiales et de retraites, que la population française.

Cela explique que les cotisations sociales versées par les immigrés améliorent grandement la situation des finances publiques du pays, au point que si le nombre d’immigrés accueillis était simplement doublés par rapport aux chiffres actuels, cela permettrait de résoudre les problèmes de financement du système de retraite et du système de santé sur la période 2020-2050 .

Tito Boeri, patron de la sécurité sociale italienne, a observé que son pays en déclin démographique avait besoin d’immigrés pour payer ses retraites, et recommandé le maintien d’un flux migratoire légal pour assurer l’équilibre du fonds de retraites italien.

3.3.3. En termes d’aides de logement

  • les demandeurs d’asile peuvent soit bénéficier d’un logement dans un centre d’accueil spécialisé (les CADA), soit toucher 225 euros par mois s’il n’y a plus de place, détaille Le Monde.
  • Au même titre que les étrangers en situation régulière, les Français sont de leur côté éligibles à différentes aides au logement, peuvent réclamer un logement social, faire valoir leur droit au logement opposable...

3.3.4. En termes de protection santé

  • les sans-papiers peuvent bénéficier de l’Aide médicale d’Etat (AME)
  • les demandeurs d’asile peuvent bénéficier de la protection universelle maladie (PUMA, ex-CMU) au terme de 3 mois de présence, dans la limite des tarifs de la Sécu.
  • Des aides qui restent tantôt moins avantageuses tantôt comparables à ce qu’un Français a droit.

3.4. Impact sur le pays d’origine

3.4.1. Les transferts de fonds représentent un fort soutien aux économies des pays d’émigration…

Un immigré fait vivre en moyenne 10 personnes dans son pays d’origine. Selon la Banque mondiale, ces transferts représentent le PIB Danemark 340 MM de $ et ont atteint 529 milliards de dollars en 2018 (prévision 550 en 2019).

Au Tonga, au Kirghizistan, au Tadjikistan, à Haïti et au Népal, ces transferts d’argent représentent, voire dépassent actuellement 25 % du PIB. Dans certains pays , la part du PIB que représentent les envois de fonds dépasse largement celle des exportations de marchandises .

A l’inverse , la réunification des familles (dans le pays de destination) réduit les transferts d’argent vers le pays d’origine et accroît les dépenses de consommation en France.

Le regroupement familial, consacré comme un droit par le Conseil d’État en 1978, a connu depuis une série de restrictions, n’est autorisé qu’aux étrangers eux-mêmes titulaires d’une carte de séjour ou de résident, qui doivent justifier de leurs ressources : au minimum 1 128 euros par mois sur la dernière année pour une famille de deux ou trois personnes. Qui ne peuvent pas provenir d’un minima social, mais doivent l’être d’une activité.

3.4.2. Mais l’émigration « siphonne » leurs jeunes diplômés

La hausse du niveau d’éducation entraine l’émigration des jeunes qualifiés (dans certains pays 80% des diplômés sont partis)

Dans les années 2000, 24 % des médecins exerçant aux États-Unis sont étrangers et 30 % au Royaume-Uni.

4. En résumé

La plupart des économistes s’accordent à dire qu’avec le vieillissement de la population, le recours à l’immigration de travail deviendra de plus en plus nécessaire en Europe.

Hippolyte d’Albis : « En matière d’immigration, il serait un peu naïf de vouloir construire une recommandation à partir d’un diagnostic reposant uniquement sur l’économie. Nos travaux suggèrent justement que le débat politique de l’immigration se concentre beaucoup trop sur le supposé « coût économique » des migrants. Nous montrons que leur présence, qu’il s’agisse des migrants permanents ou des demandeurs d’asile, n’a pas d’impacts économiques négatifs. Il est donc essentiel de recentrer le débat migratoire dans sa dimension politique ou diplomatique. Dans le même ordre d’idée, ce n’est pas parce qu’il y a des bénéfices économiques liés aux flux migratoires en Europe qu’il faut nécessairement l’encourager. N’oublions pas que l’on parle de personnes ! »

5. Autres sources